Un chemin vers une meilleure qualité de vie numérique
Voilà le GPS programmé (Ah ! Comment faisions-nous sans ?!), le goûter distribué, les doudous lovés dans les bras de mes deux petites passagères bien sanglées dans leur siège auto. En cette fin octobre, nous sommes fin prêtes pour la route des vacances, l’occasion d’une échappée au vert chez mon grand-père, leur arrière-grand-père à elles. Une relation (arrière-grand) parent – (arrière-petit) enfant réunie par un trait d’union long de près de quatre-vingt-dix ans.
Créer du lien
Je me réjouis. Mes deux loustics sont tout à leur joie de retrouver leurs trésors soigneusement rangés à la fin de l’été. Très vite pourtant, après de chaleureuses retrouvailles familiales, surgit la belle endormie : Dame Télévision. Dame Télévision n’a pas ses droits d’entrée chez nous, une absence largement palliée par le nombre d’écrans dans si peu de mètres carrés. Il en est autrement chez mon Grand-Père, à la grande excitation des enfants. 24h suffisent pour que soit semé un élan de contestation parmi la jeune génération qui réclame à corps et à cris les « Zouzous ! » dès le saut du lit. Qu’à cela ne tienne : aux grands maux, les grands remèdes ! Parce que pointait la nécessité de saper la révolution préparée en sous-main par Dame Télévision, ni une ni deux, voici instaurée la « Charte des vacances ». L’un s’emploie à dénicher un feuillet digne de cette entreprise, un autre écrit, les plus artistes décorent. Ces règles de vie rassembleuses ont non seulement contribué à des vacances apaisées mais aussi été une formidable activité pour créer du lien. CONNECTER.
Pourtant, si avec deux enfants, j’ai engrangé quelques réflexes de survie face aux écrans, il n’en a pas toujours été ainsi.
Dans le fondu enchaîné de nos vies, il est une martingale indispensable à chacun des univers que nous traversons. Nous nous mouvons avec agilité entre les cercles familial, amical, professionnel ou associatif, avec ces passe-partout que nous dégainons aussi vite que notre ombre : les écrans.
Nous voici les deux pieds dans l’ère du numérique maniant tels des samouraï des temps nouveaux qui un smartphone, qui une tablette, un ordinateur fixe ou portable – faisant montre d’une dextérité certaine à jouer sur les deux ou même les trois tableaux à la fois. De la télévision aux objets connectés, à tout moment de la journée, au travail, à la maison ou sur les routes, nous laissons notre empreinte, numérique celle-là.
Il y a eu un avant.
Informée mais démunie, très fatiguée aussi, l’usage des écrans faisait naître chez moi culpabilité, incompréhension, circonspection, déni « On fait attention tout de même ! ». Il n’était pas rare que je concède quelques minutes à ma fille.
– Pour m’octroyer un court répit après une journée de travail avant d’engager la cadence bain-dîner-histoire-les dents-dodo.
– Pour pacifier (en apparence) le moment du repas.
– Pour faire office de technologie anti-cris dans les transports, au supermarché, chez le pédiatre – où pourtant les avertissements concernant les effets délétères des écrans ne manquent pas. Ces troubles, Michel Desmurget, neuroscientifique au CNRS, les expose suffisamment dans son livre publié aux éditions du Seuil La Fabrique du crétin digital. Les dangers des écrans pour nos enfants pour en comprendre la portée.
Quelques minutes – pas des heures, seulement quelques minutes – concédées sur le smartphone ou la tablette. Et pourtant un jour, une nuit plutôt, ce n’est pas pour demander un câlin rassurant que ma fille de 2 ans et demi s’est réveillée mais bien pour quémander ses dessins animés préférés sur la tablette. Connectée jusqu’au berceau !
La bonne nouvelle, c’est qu’il y a eu un après.
La date, je m’en souviens encore, le 21 décembre 2017. Ce jour là, l’appel du Dr Anne-Lise Ducanda lancé sur les réseaux sociaux à l’attention des parents, les alertant sur la surexposition aux écrans m’a fait l’effet d’un électro-choc. En dix minutes, simplement, elle mettait des mots sur mes maux – ma culpabilité, mon incompréhension, ma circonspection, ma fatigue – face à la gestion des écrans. Mieux informée à l’occasion d’une conférence organisée par une association locale, et encouragée par les préconisations du Dr Guéguen, j’ai appris à ignorer les regards réprobateurs des passants gênés par le voisinage d’un enfant remuant et un peu bruyant ; j’ai choisi de tenir ferme face à mon enfant consommateur d’écrans ; j’ai déployé des trésors d’inventivité. Et progressivement, patiemment, s’est rétablie notre relation. RECONNECTER.
Pour une responsabilité sociétale et numérique
La révolution numérique est un progrès indéniable. Utilisée en bonne intelligence, elle contribue à enrichir la communication de moyens nouveaux et non l’appauvrir. Les nombreux services proposés pour mettre en relation les parents avec leurs enfants (MummyTamTam), les grands-parents avec leurs petits enfants (Famileo), etc. en sont la preuve.
Ne sous-estimons toutefois pas l’ampleur de la fracture numérique. « Une personne sur six n’utilise pas Internet, plus d’un usager sur trois manque de compétences numériques de base » titre l’INSEE dans une étude publiée le 30 octobre dernier. Qui plus est, une personne de 75 ans ou plus sur deux n’a pas accès à Internet à son domicile. L’illectronisme ou illettrisme numérique, qu’il soit subi ou assumé, nous invite à la responsabilité sociétale et numérique, à l’instar d’ Emmaüs Connect, un dispositif solidaire pour que les nouvelles technologies soient une richesse accessible à tous.
Conclusion
A chaque génération son histoire. Le gramophone n’a-t-il pas en son temps lui aussi révolutionné les mœurs au sein de l’aristocrate famille anglaise des Crawley à Downtown Abbey ? C’était mieux avant ? Pas si sûr. Comment faisions-nous sans ? Autrement. Pour mieux apprécier les fonctionnalités digitales, pourquoi ne pas apprendre à se reconnecter au réel : pour les plus jeunes, égayer le dîner en invitant à la table les amis-peluches, faire la chasse aux voitures rouges dans la rue en patientant à l’arrêt de bus ; pour les adolescents, « Passer en mode ballon » comme le propose l’opérateur mobile Orange dans une campagne pour encourager les jeunes à se déconnecter de leur mobile. Ou – plus radical – prendre une « Pause PepPsy » pour apprendre à décrocher de son téléphone ? Un chemin vers une meilleure qualité de vie numérique.
A découvrir prochainement : l’atelier de Parents & Talents sur le thème « Nos enfants et le numérique ».
France Argouarc’h Gestion de projets RH, salariée-parent, en congé parental