Les papas, ces marathoniens de la parentalité
Et si déjà, à la fin des années 80, Michel Sardou nous avait-il subtilement livré l’un des ingrédients secrets d’une relation parent-enfant épanouie : « La vie c’est plus marrant, c’est moins désespérant, En chantant ». [1]
Je vous laisse juges. Ne vous est-il pas arrivé de surprendre votre enfant chanter sans une omission « Compère Guilleri » tout en ordonnant méthodiquement (et géométriquement) ses bonshommes Lego au beau milieu du salon ? Ce même quidam qui, soumis au « Syndrôme de Dory », oublie d’un jour à l’autre où se rangent chaussures, manteau et bonnet au retour de l’école ? Comment trouver le juste accord ?
Après un premier volet intitulé « Etre maman, une discipline olympique », je vous invite cette fois-ci à pianoter sur la gamme de la relation père-enfant. Pour ces prochaines lignes de lecture, oublions bémols et fausses notes et attachons-nous à ce qui fait la richesse de la relation père-enfant avant et après la naissance.
L’implication des pères, une vieille histoire
Priorité aux papas ! Depuis 2015, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) martèle l’importance d’impliquer le père au cours de la maternité, prenant pour preuve les nombreux impacts positifs pour la santé maternelle et infantile. Coïncidence de l’agenda, en ce mois d’avril 2015, mon mari, papa depuis quelques minutes à peine, est enjoint par les sages-femmes de la clinique à officialiser la naissance de notre fille en inscrivant sur un tableau blanc conçu à cet effet : le prénom, le poids et l’heure de naissance de ce petit chérubin.
Pourtant, cela ne date pas d’hier ! Sarah Boccon-Gibod et Marie Guérin, sages-femmes [2], rappellent que dans l’Europe de la fin du Moyen Age, les pères prenaient le lit à la place de leur femme après l’accouchement. Ces rituels permettaient la rencontre parent-enfant tout en préservant la santé du bébé. De surcroît, depuis une vingtaine d’années, les pratiques paternelles [3] ont évolué en réponse aux changements économiques et socio-culturels des sociétés, incitant de plus en plus les pères à être proactifs dans le quotidien de leurs enfants.
Implication pré-natale des pères : les résultats de recherches récentes montrent que l’influence du père sur l’enfant peut débuter avant la naissance
L’enfant à naître est réceptif aux fréquences basses et réagit aux modulations apaisantes de la voix du père. C’est par la voix, en parlant à travers le ventre de la maman, que les pères peuvent écrire le premier couplet de la relation parent-enfant. Les papas Millennials, nés dans les années 80, connaissent de mieux en mieux la chanson.
Cours d’haptonomie, formations pour les futurs papas, blogs à destinations des pères, ateliers de danse papa-bébé, sorties jogging-poussette (…), à chacun sa formule pour construire une relation privilégiée avec son enfant. En outre, les 11 jours de congé paternité auquel 70% des pères ont recours leur permettent d’inventer une nouvelle strophe de la relation père-enfant.[4]
Implication post-natale des pères : des effets à long terme au plan éducatif, social et familial
Diverses études suggèrent ainsi que l’implication du père a un impact positif sur la compétence sociale des enfants [5], sur leur quotient intellectuel ultérieur et sur d’autres éléments liés à l’apprentissage. Il est vrai que les papas repoussent les limites du possible !
En un clin d’œil, le salon se transforme en un immense parcours du combattant, les lits en pistes d’atterrissage sur lesquelles se posent (avec fracas) des enfants-avions hilares, la chambre à coucher en un dancefloor de folie où se trémoussent des crapules hystériques au son de la musique « de papa ». A chaque papa de composer sa propre chanson ! A chacun son tempo !
Une orchestration neuronale et hormonale au diapason
Le jeune papa, lui aussi, connaît des modifications hormonales et s’équipe de tout nouveaux neurones dans la région du cerveau [6]. Une batterie d’hormones œuvrent à l’unisson : testostérone, vasopressine, prolactine donnent le La. De concert, la première en moindre proportion, permet de réduire l’agressivité, de booster le système immunitaire et ainsi de limiter les risques de contamination de l’enfant. La deuxième, dont les taux diminuent à l’approche du nouveau-né, renforce les hypothèses en faveur du lien d’attachement du père à l’enfant. On constate des niveaux plus élevés de la troisième chez les pères en réponse aux pleurs de leur enfant. Ainsi se crée-t-il une harmonie naturelle entre le papa et son enfant.
Les papas, ces marathoniens de la parentalité ont du chœur !
Et il serait opportun de voir pouvoirs publics et entreprises privées marquer le rythme en entreprenant des démarches importantes du côté du monde du travail.
Car décidément, les parents ont du talent !
[1] « En chantant », chanson coécrite par Pierre Delanoë et Michel Sardou et composée par le chanteur italien Toto Cutugno, date de sortie 1978 (Album « Je vole »).
[2] La promotion de la santé mentale des pères durant la période périnatale, by Sarah Boccon-Gibod et Marie Guérin, Haute école de santé Genève, 2018.
[3] Encyclopédie sur le développement des jeunes enfants, Le rôle du père auprès de l’enfant
[4] « Evaluation du congé de paternité », by Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS), juin 2018.
[5] Persée, Modalité de présence du père et développement social de l’enfant d’âge préscolaire.
[6] Le monde et nous, De nouveaux neurones pour les nouveaux pères.
France Argouarc’h Gestion de projets RH, Salariée-parent, en congé parental