Être maman, une discipline olympique

Figurez-vous cette annonce parue sur un job board, détaillant les caractéristiques d’un poste à pourvoir en urgence :

  • Recherche personne  (h/f) disponible asap pour CDI à vie
  • Diplômé(e) en Finances, Médecine, Arts culinaires
  • Pas de congés,  pause selon bon vouloir de l’associé
  • Disponibilité requise 24/7
  • Rémunération : néant

« Impensable », « Un tel poste n’existe pas », « Inhumain », me direz-vous ? Et pourtant, ce sont des milliers de femmes qui répondent à ces critères de recrutement : les mères. Une vraie  discipline olympique !

Les pères ne sont pas moins méritants, loin s’en faut. Ils feront l’objet d’un deuxième volet. « Last but not least » !

Le propos consiste ici à faire le constat du chemin parcouru et à partager les bonnes pratiques en matière d’égalité professionnelle – elles sont nombreuses – de façon non exhaustive.

Au XXIe siècle, être maman est une vraie discipline olympique ! Epaulées par leur conjoint ou maman solo, les mères jonglent habilement avec leurs multiples casquettes. Tel un caméléon, une maman s’adapte savamment à ses différents environnements, que ce soit au travail ou à la maison. Mary Poppins à ses heures, elle a plus d’un tour dans son sac pour méthodiquement coordonner rendez-vous médicaux, activités extra-scolaires, devoirs, temps de qualité, shampoing anti-poux, histoire du soir, bisous et… dodo ! Mais voilà, une journée ne fait que 24h. Discipline olympique, disions-nous ?

De facto, en 2010, une enquête de l’Observatoire CEGOS révèle que 58% des femmes peinent à concilier vie familiale et vie professionnelle. Et lorsqu’on leur demande d’identifier les freins rencontrés au cours de leur carrière, ce sont la maternité (37%) et le temps consacré aux enfants (33%) qui prennent les deux premières places[1]. Etre maman représente ainsi l’équivalent de 2,5 emplois à temps plein, soient 98h de travail par semaine selon une étude réalisée à l’initiative de Welch, la marque américaine de jus de fruits, sur 2 000 mamans d’enfants entre 5 et 12 ans.

Aujourd’hui, le taux d’activité des femmes s’élève à 70 %  selon les données de l’INSEE[2]. C’est au XXe siècle que l’emploi des femmes connaît un tournant : pendant les deux guerres mondiales, en l’absence des hommes mobilisés au front, les femmes deviennent un « pilier de l’effort de guerre ». Leur émancipation se poursuit avec la montée des mouvements féministes[3]. 1965, date à laquelle les épouses obtiennent le droit de travailler sans l’accord de leur conjoint, signe le début de l’autonomie financière de la femme. En France, les dispositions légales concernant un accès équitable à l’emploi évoluent (2001, accord sur l’égalité professionnelle ; 2014, complément dans les sphères de la famille, sociale, professionnelle et publique). Au plan international, l’égalité hommes-femmes est aussi à l’agenda. La stratégie d’Europe 2020 comporte ainsi un volet dont l’objectif est de « porter à 75% le taux d’emploi des femmes et des hommes âgés de 20 à 64 ans, ce qui signifie qu’il faut en priorité, dans la mise en œuvre de la stratégie, s’attaquer aux obstacles à la participation des femmes au marché du travail »[4].  Les voyants sont au vert !

La première bonne nouvelle, depuis ces dernières décennies, est que l’on observe une implication croissante des pères dans l’organisation de la vie familiale quotidienne. Les enquêtes portant sur l’emploi du temps des Français précisent que les hommes consacrent deux fois plus de temps à la vie de famille (+21%), notamment lorsqu’il s’agit des loisirs partagés avec les enfants (soins aux enfants, loisirs, suivi scolaire, trajets etc.)[5].

La deuxième bonne nouvelle réside dans la promotion de la mixité comme levier de création de valeur : le cabinet de conseil McKinsey souligne dans ses rapports de recherche « Women Matter » le bien-fondé d’une démarche de mixité au sein des organisations pour le succès de l’entreprise : aujourd’hui, 46% de la population sont des femmes ; cela représente ½ de la population pouvant générer de la valeur. La part des femmes cadres a quant à elle doublé. La promotion de la parité représente un réel moteur de croissance à tel point que l’égalité homme-femme pourrait ajouter 12 mille milliards de dollars américains à l’économie mondiale en 2025. Cela correspond à 1% de croissance chaque année !

La troisième bonne nouvelle est le souci accru des employeurs pour garantir l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle de leurs collaborateurs. Ils sont de plus en plus nombreux à être convaincus que des salariés-parents épanouis dans la sphère privée sont plus efficaces professionnellement. Patagonia, en est un exemple au travers des programmes « Family-Friendly ». Son DRH, Dean Carter explique qu’un collaborateur « n’a pas à sacrifier sa vie de famille au profit de sa carrière ». Crèche d’entreprise, congé maternité rémunéré, Patagonia pousse l’innovation sociale jusqu’à permettre à ses employés, lors de leurs déplacements professionnels, d’être accompagnés de leur enfant et de sa nounou – et d’en rembourser les frais ![6] Et l’on pourrait encore citer d’autres bonnes pratiques encourageantes en matière d’égalité professionnelle.

Etre maman, une discipline olympique, oui et championne par dessus le marché !

[1] Observatoire de la Parentalité en Entreprise
[2] INSEE : https://www.insee.fr/fr/statistiques/3303384?sommaire=3353488
[3] Penser ou repenser sa politique de parentalité, Editions Entreprise et Personnel, Novembre 2018
[4] Penser ou repenser sa politique de parentalité, Editions Entreprise et Personnel, Novembre 2018
[5] Vers le Haut, Soutenir les Familles, Le Meilleur Investissement Social, Juin 2017
[6] Why Paid Family Leave is Good Business, The Boston Consulting Group, February 2017

 

Une compétition ne se gagne pas seul. Le prochain volet « Nos parents ont du talent » sera consacré aux pères.
France Argouarc’h
Gestion de projets RH, Salariée-parent, en congé parental