Quelle richesse humaine dans notre « monde d’après » ?
La belle endormie se réveille, esquisse un bâillement, s’étire, se roule une dernière fois dans sa couverture et saute de son lit, enjouée. Ce matin, c’est la rentrée ! Nous sommes le 2 juin et l’école rouvre ses portes pour le groupe numéro 2 de moyenne section de mon aînée. Après deux mois d’une relation parent-enfant hyper-intensive qui me font l’impression de deux longues années, le monde qui a retenu son souffle depuis la mi-mars, reprend timidement ses esprits.
Telle une adaptation contemporaine du conte de Charles Perrault, « La Belle au Bois dormant », chacun s’étire, masse ses membres engourdis, et retourne à ses activités.
Regarder vers l’avenir
« Maman, c’est aujourd’hui que je rentre dans la classe des grands ? » Cette question posée naïvement sur le chemin de l’école me rappelle combien ce confinement qui aura fait perdre le nord aux petits comme aux grands, nous attire pourtant vers un avenir meilleur. Patiemment, nous réexpliquons : le virus, les masques, et cette deuxième rentrée qui se fera avec la même maîtresse, quelques copains, dans la même classe nouvellement aménagée pour l’occasion, à un rythme spécial, pour permettre à tous les enfants d’aller à l’école. Cette franchise enfantine, alors que nous avançons main dans la main, résonne quant à elle comme une invitation à dépasser les inconnues du monde adulte et à regarder l’avenir avec cette confiance propre au monde des enfants.
Rebondir
« Tu te piqueras à une quenouille et tu tomberas dans un sommeil profond ». Quelle fut donc la recette magique du roi et de la reine pour remettre d’aplomb le royaume aux sujets endormis ? Qui plus est, quelle énergie ne leur a-t-il pas fallu pour organiser, dans le même élan, le mariage de leur fille avec tant d’effervescence ? Le mystère demeure. Même si la plaie est profonde et notre « monde d’après » encore titubant, ce « jour d’après » commence aujourd’hui. Mon chapeau se lève en pensant à tous ces salariés-parents qui ont endossé le rôle d’instituteur tout en répondant présents professionnellement. Et c’est avec reconnaissance que je salue les nuits sans sommeil de nos personnels soignants, des équipes pédagogiques de l’école ou de la crèche, des commerçants, des professionnels restés sur le qui-vive – j’en oublie – qui nous ont permis de rebondir.
Faire de l’humain une richesse
Cette saison de nos vies de parents aura été une expérience grandeur nature d’observation dans le microcosme familial. Tout n’a pas été parfait, l’école à la maison n’a pas fonctionné comme je l’aurais souhaité, je n’ai pas vraiment réussi à me déconnecter à l’heure fixée, ou à garder mon calme, mais j’ai fait de mon mieux. Cette loupe à effet grossissant qu’a été le temps du confinement, m’a appris à voir un petit progrès comme une grande victoire, à faire jaillir dans un espace contraint, une grande force d’inventivité, à accepter que tout déraille aussi. A être humain, quoi. « Cette crise a inversé les priorités traditionnelles. Le primat de l’économique a été remis en cause du jour au lendemain, et l’humain est revenu au centre. Cela crée un précédent qui ouvre les esprits » explique Pascal Demurger dans un entretien le 28 mai 2020 à Denis Carreaux pour Nice-Matin (1).
Dans cette situation si particulière où les sphères privées et professionnelles continuent de s’entrechoquer, où le retour à la normale n’est pas encore la norme, mes petits collègues de télétravail sont mes garde-fou. Ils ont partagé, pendant une saison profondément bouleversante, mes visioconférences, mes formations à distance, mes consolidations de données ou mes présentations powerpoint, et me rappellent l’urgence de remettre l’humain au cœur du réacteur. Dans mon « monde d’après », le soutien à la parentalité et le mieux travailler forment un duo indissociable.
France Argouarc'h Gestion de projets RH, salariée-parent
(1) www.pressreader.com/france/nice-matin-cannes/20200528/282840783257475